La manière dont la société réagit aux nouvelles technologies et quelles sont, par exemple, les conséquences éthiques et sociétales de la nanotechnologie, c’est ce dont s’occupe Alfred Nordmann qui dirige le «nanobüro» de l’Université technique de Darmstadt. Ce philosophe met en garde contre une éthique par trop prospective, trop futuriste ou spéculative, tenant compte de toutes les applications futures possibles (et impossibles). «Plutôt que de soupeser toutes les applications imaginables et leurs effets éventuels, nous devrions davantage nous occuper des questions qui aujourd’hui déjà exercent une influence sur la recherche en nanotechnologie», relève Nordmann.
Ainsi, par exemple, dans le domaine médical, les plus grandes craintes se concentrent sur la manière dont il nous faudra réagir face aux nouveaux tests diagnostiques attendus pour des maladies pour lesquelles il n’existe pas encore de thérapies. Nordmann estime que devrions peut-être davantage réfléchir comment un système de santé personnalisé pourrait modifier les rapports patient-médecin – une tendance que l’on observe aujourd’hui déjà.
Des nanoparticules pour lutter contre le cancer
La nanotechnologie permet d’améliorer notablement les méthodes diagnostiques ainsi que le montre, par exemple, un test sanguin pour la détection des cancers du côlon, présenté par Gerd Grenner, CTO de Roches Diagnostics. Ce test permet de déceler, au moyen de ce que l’on appelle des microarray chips, la présence de six protéines différentes qui peuvent indiquer la présence d’un cancer. Grâce à des nanoparticules qui, suivant leur taille, émettent une fluorescence de teinte différente, il est possible de détecter simultanément six marqueurs tumoraux, ce qui augmente la sensibilité du test – autrement dit le pourcentage de cancers décelés avec fiabilité – à 70% contre 30% avec une seule protéine.
Dans le domaine de la thérapie aussi, la nanotechnologie est prometteuse. Avec sa firme MagForce Nanotecnologies AG, Andreas Jordan développe une méthode de traitement nouvelle pour les cancers dans laquelle des nanoparticules magnétiques sont injectées directement et avec précision dans la tumeur grâce à un système d’imagerie tridimensionnelle. L’application d’un champ magnétique alternatif amène les particules à chauffer – par couplage magnétique – à des températures allant jusqu’à 75 degrés Celsius. Cette chaleur détruit alors la tumeur alors que les tissus avoisinants demeurent préservés.
L’idée de détruire les tumeurs par la chaleur n’est pas nouvelle. Toutefois on ne parvenait pas jusqu’ici à chauffer la tumeur sans toucher aussi les tissus voisins. «Grâce à la nanotechnologie nous réussirons cette percée», assure Jordan. Les résultats d’études cliniques sur des patients souffrant d’un glioblastome – une tumeur du cerveau particulièrement maligne – sont encourageants. C’est ainsi que, selon Jordan, l’espérance de vie de ces patients, qui est actuellement d’environ une année à partir du diagnostic, a pu être notablement accrue. Les résultats détaillés de ces études seront publiés à la fin de cette année.
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